En Polynésie, le rituel du kava est associé à la chefferie, aux titres, aux hommes. À Tonga, les mythes d’origine concernant le kava d’une part, le chef suprême d’autre part, fondent sur la dette le modèle des relations entre les hommes, les chefs et les divinités. La boisson cérémonielle, substance séminale régénératrice de force et de vie, apparaît comme l’agent d’une double métamorphose, dupliquant la transformation initiale de la plante profane en boisson sacrée : la transfiguration des chefs en ancêtres divins mais aussi celle des sujets masculins en hommes « forts ». Lieu de transmission d’une forme idéalisée de virilité, le rituel du kava remplirait alors un office identique à celui dévolu aux cérémonies d’initiation masculines en Mélanésie : la reproduction de l’identité masculine. La mobilisation de l’imaginaire social autour de la production de la masculinité, au sein de cultures – polynésiennes et mélanésiennes – où la dichotomie des sexes s’exprime pourtant selon des modalités différentes, amène à penser qu’une des dimensions de la dichotomie des sexes prendrait racine dans ce constat d’expérience paradoxal : l’origine féminine des sujets masculins. From One Sex to the Other: The Kava Ceremony and the Reproduction of Masculine Identity in Polynesia. – In Polynesia, the kava ceremony is associated with chieftaincies, titles, men. On the Tonga islands, myths of origin, which mention kava and the paramount chief, found the model of relations between chiefs, divinities and people on the idea of a debt. The ceremonial drink, a seminal substance that regenerates life-force, is the means of a double metamorphosis that duplicates the secular plant’s initial transformation into a sacred drink: the transfiguration of chiefs into divine ancestors, and of male subjects into “strong” men. As the place of transmission of an idealized virility, the kava ceremony could, like male initiation ceremonies in Melanesia, play the role of reproducing masculine identity. Given this activation of the social imagination around the production of masculinity in Polynesian and Melanesian cultures where the dichotomy between the sexes is expressed in rather different ways, might one dimension of this dichotomy not have its roots in a paradoxical experience, namely: the feminine origin of male subjects?