La matière des sociétés est l'une de celles dans lesquelles se révèlent, indépendamment et au-delà des contenus, les différences entre droits dits romanistes et droits de common law. La matière est en effet l'un des royaumes par excellence des faux-amis. Aux vocables anglais de company, corporation et society, s'opposent, en se ressemblant, compagnie, corporation et société, les différences entre langues se compliquant de celles entre elles et leurs langues dérivées ; ainsi l'usage de l'anglais d'Amérique ne correspond-il pas davantage à celui d'Angleterre que celui du français de France à son rejeton canadien. Par contre, les mots sociétés par actions, dans leur référence au concret, disent bien ce qu'ils veulent dire et renvoient à un contenu relativement précis. Ce qui n'empêche pas le droit canadien, bien qu'il ait évolué législativement sur des pistes différentes, de laisser, en vrai fils de la common law, ses juges se positionner différemment dans l'interprétation de principes communs. Dans aucune matière peut-être et malgré l'illusion que le droit des affaires se développe irrésistiblement sur la voie de l'unification, l'existence d 'une common law plurielle n'a pas été plus sensible. Il est vrai qu'il est parfois difficile, sur ce plan particulier, de résister aux influences d'un voisin aussi puissant que les Etats-Unis.