International audience En un peu moins d'une décennie, la question des mouvements de population associés au changement climatique et à la hausse du niveau marin est devenue, sous diverses formes lexicales, un sujet politique en émergence dans le Pacifique insulaire. Initialement mise à l'agenda par des institutions internationales comme l'ONU à la fin des années 1980, cette thématique fait depuis le milieu des années 2000 l'objet d'une appropriation par des acteurs locaux. A titre d'exemple, le document final de la rencontre régionale de Fidji de juillet 2013 dans le cadre de la préparation à la conférence onusienne d'Apia souligne la nécessité pour « toutes les nations de protéger les droits individuels et collectifs de tous les individus et communautés ainsi que les droits souverains des nations concernées par les déplacements liés aux impacts négatifs du changement climatique ». De telles prises de position se sont en quelques années multipliées au sein même des territoires insulaires. Elles esquissent des propositions de gouvernance prospective – définie comme l'ensemble des processus et des acteurs actuels ou futurs de gestion des migrations climatiques, elles-mêmes présentes ou anticipées. Cette communication se propose de montrer en quoi la question de la gouvernance des migrations climatiques peut révéler ou constituer un support pour la géopolitique des territoires dans la région (Le terme territoire est ici entendu au sens géographique du terme, comme un espace légalement approprié par une entité politique ou de manière symbolique et matérielle par un groupe social). Cette réflexion s'appuie sur cinq études de cas : 1) La politique Migration with dignity du gouvernement de Kiribati, 2) la gestion du programme de relocalisation des îles Carteret par l'association communautaire Tulele Peisa, 3) la déclaration de Moana adoptée en 2009 par les membres de la Pacific Conference of Churches, 4) la conférence de Majuro et 5) les déclarations de dirigeants du Vanuatu et de la Polynésie française en 2013. En appliquant à ces initiatives de gouvernance une analyse de discours articulée autour de cinq questions – échelle, temporalités, forme, lieux et vocabulaire des migrations climatiques – il est possible de montrer que ces discours posent les questions géopolitiques de la mutation des statuts et du fonctionnement politique des territoires et des populations (et notamment la place de l'Etat), du fonctionnement réticulaire des groupes sociaux et politiques entre archipels du Pacifique insulaire et de la mise en acte de l'Océanie comme échelon clé de gouvernance des défis régionaux.A titre d'exemple Gaston Flosse, président de la Polynésie française depuis le mois de mai 2013 a fait dès les premiers mois de son mandat deux déclarations intéressantes à ce sujet. Suite à une visite à Napuka (Tuamotu) au mois d'août dernier, M. Flosse – reprenant un appel lancé en 2010 par le maire de l'île Tauirai Puarai - a évoqué le fait que face à la montée des eaux les habitants de l'habitant de l'atoll pourraient envisager une migration vers les Marquises, en raison de la présence d'îles hautes dans cet archipel mais également des liens historiques entre les deux territoires. Toutefois dans même discours (Reproduit dans un communiqué de la Présidence), le président polynésien a souligné que l'adaptation in situ constituait une priorité et qu'elle relevait de questions de sécurité civile et par conséquent de la compétence de l'Etat. A l'occasion du Forum des Leaders du Pacifique à Majuro en Septembre, G. Flosse a de nouveau évoqué le sujet. Il a affirmé que la Polynésie française pourrait accueillir des réfugiés climatiques en provenance des petits Etats insulaires de la région et plaidé pour la constitution d'un comité de travail permanent sur la question au sein du Forum dans l'objectif de la préparation de la prochaine COP de la CNUCC. Ces deux discours, prononcés dans les mois qui ont suivi la réinscription de la Polynésie française sur la liste des territoires non autonomes à décoloniser par l'Assemblée générale de l'ONU, ne sont pas anodins. Il semble en effet possible d'émettre l'hypothèse selon laquelle Gaston Flosse dessine l'architecture d'une gouvernance multiscalaire des migrations climatiques et plus largement de l'adaptation dans le cadre d'un triple positionnement stratégique du pouvoir politique de la Polynésie française. Les deux discours évoqués ci-dessus semblent en effet impliquer l'ancrage ferme des Marquises dans le territoire, le maintient du Pays au sein de l'Etat français et la valorisation du rôle de la Polynésie française comme puissance régionale.