Dans le nord-est de la Nouvelle-Calédonie, le pays de Hienghène s’est trouvé confronté à une décolonisation soudaine et à la nécessité de reconstruire un système foncier et une organisation économique. Ancien pays vivrier mélanésien formé des trois vallées de la Hienghène, de la Tanghène et de la Tipindjé, il était devenu, à la fin du xixe siècle, un centre de colonisation européenne voué à la caféiculture. Cette emprise coloniale a connu son maximum d’extension vers le milieu de la décennie 1960. Prolongement des événements de 1968, à partir de 1970, la contestation kanak, d’abord foncière puis politique, a fragilisé cette colonisation vieillissante. Avec l’explosion violente de 1984, les Kanak retrouvaient soudain après un siècle de « cantonnement » et de regroupement dans les « réserves indigènes », le contrôle de leurs terres ancestrales. Qu’allaient-ils en faire et comment allaient-ils les répartir entre eux ? Allait-on voir renaître une copie conforme de l’ancien pays kanak précolonial ou émerger autre chose ? Cet article analyse la voie suivie pour cette reconstruction avec l’invention d’un outil spécifique, pont entre coutume et modernité, le « Groupement de droit particulier local ». Il montre aussi les changements économiques et sociaux qui ont accompagné la transformation de la vallée et de l’ensemble du pays de Hienghène, depuis un demi siècle.