Sous réserve d'accepter les définitions d'invasion biologique et d'espèce envahissante énoncées en introduction, les données disponibles, souvent incomplètes, permettent de conclure qu'entre 2000 ans avant J.-C. et aujourd'hui, et pour l'ensemble des îles de la Nouvelle-Calédonie, 279 espèces de vertébrés terrestres ou d'eau douce et saumâtre y ont constitué ou constituent actuellement des populations reproductrices et pérennes. Parmi ces espèces, dix-huit ont disparu du territoire au cours des quatre derniers millénaires et seize d'entre elles, endémiques de Nouvelle-Calédonie, sont actuellement éteintes. Quatorze de ces disparitions sont intervenues pendant la période mélanésienne, ce qui représente un taux de 0,4 disparition par siècle, et quatre pendant la période historique, soit 1,6 disparition par siècle. Pendant ce même laps de temps, quarante-deux espèces de vertébrés ont envahi la Nouvelle-Calédonie: quatre d'entre elles spontanément et trente-huit qui ont été introduites, délibérément ou non, par l'homme. Une seule a été introduite de façon certaine pendant l'époque mélanésienne, soit 0,03 introduction par siècle, et trente-sept pendant l'époque historique, soit 14,8 introductions par siècle. Ces deux résultats soulignent le rôle majeur joué par l'homme dans l'évolution récente de la composition de la faune de vertébrés du territoire. Au nombre des trente-huit espèces introduites par l'homme figurent 12 espèces de la liste IUCN des 100 espèces qui, introduites, engendrent les dysfonctionnements les plus importants aux écosystèmes d'accueil. Par ailleurs, l'impact de la quasi-totalité des espèces allochtones sur leurs écosystèmes d'accueil néo-calédoniens est non documenté. Enfin, aucune de ces espèces ne fait actuellement l'objet de mesure de gestion globale à but affiché environnemental. La Grande Terre qui héberge la totalité des espèces allochtones présentes sur le territoire, constitue une importante source d'espèces allochtones pour l'ensemble des autres îles de la Nouvelle-Calédonie. Ce risque est d'autant plus important que les espèces en question ont fait la preuve de leur capacité à parvenir en Nouvelle-Calédonie et à coloniser plusieurs de ses écosystèmes. Ce risque est également important en raison de la proximité géographique et des relations privilégiées qu'entretient la Grande Terre avec ces îles en terme de volume de trafic de marchandises et de passagers. Ce risque est enfin important parce que les motivations à l'origine de certaines introductions sur la Grande Terre (cynégétique, pêche, colombophilie, aquariophilie, nouvelles espèces d'animaux de compagnie, etc.) sont tout à fait susceptibles de voir le jour sur les îles habitées ou non qui sont actuellement dépourvues de ces espèces allochtones. Par ailleurs, deux espèces endémiques de la Grande Terre ont été introduites sur les îles Loyauté. De telles introductions peuvent apparaître légitimes, voire salvatrices dans certains cas. C'est oublier que toute introduction a des conséquences et que de telles introductions sont à proscrire en l'absence de solides travaux d'écologie permettant d'en apprécier de façon fondée les risques au regard des avantages. En conséquence, les mesures qui doivent être prises pour limiter les introductions d'espèces allochtones depuis l'extérieur du territoire doivent également être mises en application au sein du territoire. Notons que la promulgation de ces mesures et leur application ne relèveraient que des autorités territoriales et ne se heurteraient pas aux difficultés que peuvent soulever des règles conduisant à limiter les échanges commerciaux internationaux.