L'articulation difficile entre le caractère coutumier des terres mélanésiennes et les politiques de développement est souvent décrite comme la cause de leur échec. La territorialité mélanésienne détermine l'identité des groupes sociaux dans une quête ontologique d'immanence et de transcendance. Ses fondements cosmologiques créent en effet une représentation dualiste du territoire: combinaison unique des lieux d'enracinement du groupe et réseaux socio-politiques. Cette représentation s'exprime dans l'organisation concrète duelle du territoire: les lieuxdits du terroir sont occupés et aménagés pour enraciner le groupe et fonder sa cohésion tandis que les réseaux socio-politiques se déploient pour former des configurations géopolitiques originales et complexes très sensibles dans les villages. Les territoires coutumiers sont en mutations profondes avec l'émergence de nouvelles échelles territoriales, la pression démographique et l'évolution des systèmes agraires, entraînant de graves crises foncières qui cachent pourtant des conflits plus territoriaux que spatiaux. Les politiques foncières idéologiques qui y répondent par des cadastres coutumiers butent sur leur légitimité et sur un risque d'instrumentalisation. L'histoire de l'insertion économique des Mélanésiens et la modélisation des économies insulaires dépendantes relativisent alors l'échec des politiques de développement, et l'étude de différents projets révèle que les acteurs locaux font du développement une arène politique et territoriale: refuser cette dimension aboutit à des pratiques absurdes que l'idéologie dualiste coutumière adaptée au contexte actuel et institutionnalisée semble pouvoir éviter.