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L’injonction au rire. Marcel Mauss et les « parentés à plaisanterie »

Raphaël Freddy. 2010. .
ARTICLE, (2010 ) - PUBLISHEDVERSION - Français (fr-FR)

OPENACCESS - info:eu-repo/semantics/OpenAccess.
Audience : OTHER
HAL CCSD, Presses Universitaires de Strasbourg
Sujet
institution, injonction, famille, rire, valeur, [SHS.SOCIO]Humanities and Social Sciences/Sociology, [SHS.HIST]Humanities and Social Sciences/History, [SHS.GEO]Humanities and Social Sciences/Geography, [SHS.ANTHRO-SE]Humanities and Social Sciences/Social Anthropology and ethnology, [SHS.SCIPO]Humanities and Social Sciences/Political science
Domaines
Sociologie, Politique, Anthropologie, Géographie, Histoire, Sciences Sociales, Sciences humaines
Description

International audience Dans une communication de 1926, publiée en 1928, Marcel Mauss analyse un phénomène social singulier, qui caractérise certaines civilisations. Il s'agit d'une coutume qui prescrit une attitude d'incorrection, de sans-gêne, voire de licence entre beaux-frères et belles-soeurs, et entre cousins croisés, dans des sociétés où par ailleurs les rapports entre parents de sexe opposé sont régis par des règles strictes de pudeur et de réserve. Dans quelques tribus africaines (les Bantous, les Ba-Thonga), mais aussi chez les Indiens Crow de la Prairie américaine et chez les habitants des îles de la Mélanésie, où prévalent entre les membres de sexe opposé des relations codifiées de respect, voire de crainte religieuse, s'impose à certains acteurs sociaux un com-portement opposé : « en face du respect , il y a l'insulte et l'incorrection, il y a la brimade et le sans-gêne » 2. Alors qu'en principe dans les tribus Sioux un homme est particulièrement réservé et poli avec les membres de sa propre parenté et de son alliance, il n'a de cesse de se moquer de certains parents et alliés strictement définis. Il a recours à des plaisanteries chaque fois qu'il en a l'occasion, sans que l'autre puisse en prendre offense. En général, ces plaisanteries ne durent que le temps d'entrer en matière, et elles sont réciproques. Les farces, la licence de langage et de gestes contrastent avec la correction à l'égard des autres parents. « La dignité et la grossièreté du langage sont des éléments importants de ces usages. Ce sont non seulement des sujets interdits que l'on traite, mais des mots interdits dont on se sert » 3. Pour tenter d'expliquer le phénomène des « parentés à plaisanterie », Marcel Mauss souligne en premier lieu que ces coutumes institutionnalisées ont une fonction de détente, qui repose d'une attitude trop compassée, la retenue trouvant sa revanche dans l'indécence et la grossièreté. Les plaisanteries permettent de compenser « cette constante étiquette qui empêche les rapports aisés et sans gêne » 4 avec les parents proches. Au respect et au tabou imposés s'opposent l'insolence, et parfois les excès. « Un laisser-aller repose d'une tenue par trop compassée » 5. Marcel Mauss trouve des traces de ce comportement dans nos société à l'époque contemporaine. « Nous avons encore nous-mêmes des sautes d'humeur de ce genre : soldats échappant à la position sous les armes ; écoliers s'égaillant dans la cour du col-lège ; messieurs se relâchant au fumoir de trop longues courtoisies vis-à-vis des dames » 6. Cette première analyse n'est pas suffisante. Pour la dépasser, il convient de situer de telles représentations et de tels comportements dans la théorie générale de la culture élaborée par Marcel Mauss. Dans son étude sur « Les civilisations. Éléments et formes » (1929), il souligne que le règne du social est avant tout celui de l'arbitraire. « Tout phénomène social a en effet un attribut essentiel : qu'il soit un symbole, un mot, un instrument, une institution ; qu'il soit même la langue, même la science la mieux faite ; qu'il soit l'instrument le mieux adapté aux meilleures et aux plus nombreuses fins, qu'il soit le plus rationnel possible, le plus humain, il est encore arbitraire. Tous les phénomènes sociaux sont, à quelque degré, oeuvre de volonté collective, et qui dit volonté humaine dit choix entre différentes options possibles… Le domaine du social c'est le domaine de la modalité » 7. Il en résulte que les conduites humaines sont toujours façonnées, au-delà des déterminismes psycho-biologiques, par les normes et les modèles que chaque société impose à son gré. Et cela, qu'il s'agisse de l'expression des sentiments, « du rire

Mots-clés
Langue
Français (fr-FR)
Auteurs
Raphaël, Freddy
Contributeurs
Cultures et Sociétés en Europe (CSE) ; Université Marc Bloch - Strasbourg II-Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)
Sources
ISSN: 1623-6572, EISSN: 2107-0385, Revue des Sciences sociales, Revue des Sciences sociales, Presses Universitaires de Strasbourg, 2010, Humour et dérision, pp.32-33, http://www.revue-des-sciences-sociales.com/
Couverture
Mélanésie
Nom du journal