La ciguatera est une forme particulière d'ichtyosarcotoxisme principalement caractérisée par des troubles gastro-intestinaux et neurologiques. Ce sont les ciguatoxines, polyéthers complexes produits par des variétés toxiques du dinoflagellé Gambierdiscus toxicus, qui en sont responsables en se concentrant pour atteindre des doses dangereuses pour l'homme lors de leur transfert dans de nombreuses espèces de poissons herbivores et carnivores. La cible moléculaire connue des ciguatoxines est le canal Na[+] sensible au potentiel de membrane. Durant l'action de ces toxines, l'ouverture permanente des canaux au potentiel de repos de la membrane, produit une entrée continue d'ions Na[+] dans les cellules excitables ce qui augmente notablement l'excitabilité membranaire et le volume cellulaire. Dans le but de préciser les bases neurocellulaires de l'efficacité de certains agents utilisés dans le traitement clinique et traditionnel de la ciguatera, leurs effets ont été étudiés sur des axones myélinisés de grenouille préalablement soumis à l'action de la ciguatoxine-lB du Pacifique (CTX-1B). L'augmentation du volume axonal et de l'excitabilité de la membrane, produite par cette toxine, a été neutralisée par la lidocaïne (anesthésique local), le CaCl[2], et les milieux extracellulaires hyperosmotiques contenant du D-mannitol, du saccharose ou du chlorure de tétraméthylammonium. L'hyperexcitabilité membranaire, produite par la CTX-1B, a également été supprimée par les extraits de feuilles d'Argusia argentea ou de rhizomes de Davallia solida, utilisés dans la médecine traditionnelle en Nouvelle-Calédonie. En conclusion, les divers agents étudiés sont capables de neutraliser les effets neurocellulaires de la CTX-1B au niveau des axones myélinisés. Ces résultats sont particulièrement intéressants puisqu'ils apportent une base scientifique nécessaire à la compréhension de l'action bénéfique des agents thérapeutiques utilisés de manière encore empirique dans le traitement de l'ichtyosarcotoxisme de type ciguatera.