Dans tout appareil d’État, l’armée est bien l’institution dont l’analyse et la compréhension relèvent par excellence de l’analyse géopolitique, c’est-à-dire des rivalités de pouvoirs sur des territoires. Quant à la nation, c’est une idée-force de la géopolitique. Chaque armée nationale est, plus ou moins consciemment, l’héritière des drames géopolitiques qu’a connus la nation et cela se traduit notamment dans la géographie du déploiement de ses forces. Pour certaines armées s’ajoute, à la tâche première et officielle de défense des frontières de l’État, le rôle implicite d’en maintenir l’unité contre des tendances séparatistes. Et d’autres armées, notamment dans les pays du Sud, jouent directement un rôle politique en prenant en main la conduite de la nation. Enfin, dans tous les pays, le poids de l’armée est largement déterminé par ses armements ; or, si toutes les armées disposent, en quantités inégales, d’à peu près les mêmes types d’armements terrestres « classiques », les différences qualitatives sont considérables en ce qui concerne leurs moyens aériens, et a fortiori les « armes de destruction massive » (une demi-douzaine d’armées seulement ont des armes nucléaires et des vecteurs à très longue distance). Ce sont tous ces aspects qu’évoquent les auteurs de ce numéro d’Hérodote, consacré aux rapports armée-nation dans les grandes nations d’aujourd’hui et dans certains pays du Sud, et au rôle des armées dans les rapports internationaux. L’accent est mis notamment sur l’armée américaine qui, après la disparition de l’Armée rouge et grâce à ses progrès technologiques, a réalisé une « révolution dans les affaires militaires ». Elle est la seule à exercer son contrôle sur tous les océans et à pouvoir rapidement projeter sa puissance aérienne en tous points du monde, pour prévenir de possibles menaces. En revanche, la nation américaine, en dépit de son chauvinisme, n’est plus disposée à ce que son armée subisse de lourdes pertes sur le terrain.