Fidji est un pays mélanésien qui a la particularité d’avoir vu arriver, à partir de 1879, plusieurs vagues de migrants originaires d’Inde. Les relations de la communauté mélanésienne (autochtone) et des Indo-Fidjiens ont été marquées par de fortes tensions, aboutissant à quatre coups d’État entre 1987 et 2006. Par ailleurs, Fidji compte au nombre des pays océaniens où un système de chefferies coexiste avec l’État mis en place durant la période coloniale (1874-1970). En plus de l’autorité qu’ils ont dans les territoires coutumiers (vanua), les chefs fidjiens ont été étroitement associés aux affaires nationales depuis la cession du pays à la Grande-Bretagne, notamment au travers du grand conseil des chefs, créé par le pouvoir colonial. Depuis une vingtaine d’années, des voix se sont toutefois élevées en faveur d’une plus grande dissociation des deux sphères politiques fidjiennes. En avril 2007, le gouvernement issu du coup d’État de décembre 2006 alla jusqu’à interdire les réunions du grand conseil des chefs, en suggérant que les chefs étaient devenus des obstacles à l’édification d’une nation multiethnique et à la stabilité politique. Cette décision fut désapprouvée par une partie des Mélanésiens qui dénonça un comportement irrespectueux vis-à-vis des chefs et parla d’une mise en danger de ses droits et de son identité culturelle. Dans ce contexte, cet article cherche à comprendre comment les débats relatifs au rôle national mais aussi local des chefs peuvent concrètement s’exprimer dans une chefferie fidjienne (vanua), dans la province de Rewa située au sud-est de la grande île de Viti Levu. Fiji is a Melanesian country where several waves of migrants of Indian origin have arrived since 1879. The relationships between the Melanesian (indigenous) and Indo-Fijian communities have been marked by strong tensions leading to four coups d’État between 1987 and 2006. Moreover, in Fiji, like in some other Pacific countries, a traditional political system coexists with the State that was set up during the colonial period (1874-1970). Besides their authority within customary territories (vanua), Fijian chiefs have been strongly involved with national affairs since the Deed of Cession of Fiji to Great-Britain, notably through the Great Council of Chiefs (which was created by colonial powers). However, for about twenty years, inhabitants have been asking for a greater dissociation of both Fijian political spheres. In April 2007, the government that seized power in a coup d’État in 2006 went as far as forbidding the Great Council of Chiefs’ meetings. Authorities suggested that chiefs had become obstacles for the building of a multicultural nation and political stability in Fiji. However this decision was disapproved by some Melanesians, who denounced a disrespectful attitude towards their traditional leaders and considered that their cultural identity and rights were endangered. In such context, this article investigates how inhabitants of a Fijian vanua apprehend the role of chiefs at both local and national levels. I study the case of Rewa province, which is localized in the South-Eastern part of the large island of Viti Levu.