Le sud de l'île de Malekula, et en particulier les hameaux qui composent le village de Lamap, constitue depuis l'indépendance en 1980 une scène où s'expriment des rivalités et des oppositions qui ont trait à la reconstruction et à l'interprétation de l'histoire locale. L'enjeu premier, au moins en apparence, est celui d'identifier les propriétaires véritables et originaires des terres de la presqu'ile de Port Sandwich (ou Lamap) ; enjeu qui tend à se durcir devant les opportunités espérées par certains et craintes par d'autres de vente de ces terres à des investisseurs étrangers. Derrière ces enjeux fonciers explicites, ce qui est en discussion sont aussi deux modèles et deux visions de ce qui constitue le fondement de l'organisation sociale locale au yeux des habitants de Lamap eux-mêmes. D'un côté nous observons une vision qui fait référence à l'organisation sociale précoloniale et qui aspire à refléter dans l'autorité politique contemporaine ce qui se fonde sur une assise traditionnelle reconstruite. Ce modèle élabore une échelle hiérarchique des lignages selon qu'ils sont considérés plus ou moins " authentiques " pour la région. De l'autre côté nous observons un modèle -- et même un projet social -- dont l'objectif est de faire table rase de l'époque précoloniale. Ce dernier envisage l'autorité politique comme étant nécessairement construite autour d'une répartition non-hiérarchique du pouvoir entre lignages. Les lignages qui adoptant le premier modèle travaillent à la reconstruction historique de la coutume et négocient les modes d'intégration de Lamap dans les appareils de l'État, ce dernier étant conçu comme garant du pouvoir local. Les adeptes du second modèle ambitionnent une organisation autonome, voire même une indépendance totale de l'État.