Sur la place de certains villages forestiers des collines du Sépik occidental (Papouasie-Nouvelle-Guinée), les hommes mettent périodiquement en scène, deux jours et deux nuits durant, un drame rituel sans paroles, où c'est la diversité ordonnée des masques, des peintures corporelles, de la gestuelle et de la musique qui délivre un message codé dont seuls quelques privilégiés comprennent le sens. Sur le fond d'une conception dualiste de l'univers et de la société basée sur la différenciation sexuelle, le rite public de ce culte masculin donne à voir la sexualité fondatrice d'un couple divin, la gestation puis la naissance de deux fils, leur séparation d'avec la mère parturiente et leur quête du sein, enfin leur identification à un père social supplantant le père géniteur. Les dernières minutes sont la condensation d'un scénario œdipien dont l'issue demeure incertaine, tout en évoquant un rite d'initiation dont les novices et leurs guides ne seraient que des acteurs se produisant sur scène. Personnages rituels ultimes et « hommes originels », ces fils totémiques incarnent l'Homme social et la Société elle-même toujours recommencés. Simple réactualisation « folklorique » d'une cosmogonie ? Mythe héroïque joué comme un mystère antique ? Dispositif idéologique propre à garantir la domination masculine ? Expression immédiate de fantasmes œdipiens sans cesse revécus ? Ce livre cherche des réponses en associant une analyse ethnographique rigoureuse aux concepts que la psychanalyse d'inspiration freudienne est à même de proposer à l'ethnologue. A partir d'un cas particulier, il interroge le rapport entre fantasme individuel et symbole religieux, entre atemporalité de l'inconscient et histoire culturelle, entre refoulement et idéologie…